Depuis quelques semaines, Patrick Chazallet me fait l’honneur de donner ses conseils « mets et vins » pour chacun de mes billets. Lorsqu’il m’a envoyé ce texte, j’ai eu le sentiment de recevoir un cadeau inestimable.
Je l’ai lu avec attention deux fois avec l’impression de découvrir un secret.
Patrick m’a gentiment proposé que je le publie sur mon blog. A mon tour donc de vous faire ce cadeau de sa part.
Il s’agit d’un « truc » de dégustation pour nous orienter, nous, néophytes, dans la dégustation du vin.
J’ai testé ce « truc » avec David hier soir sur un Gigondas (Cotes du Rhône) et ce fut une expérience très intéressante. Ca marche. Vraiment.
Lisez donc ce billet puis exercez vous à votre tour. Quelle bonne idée de soirée entre amis : chacun emmène son vin préféré et vive les calculs de « PAI ».
Avec quelques « finger food » pour accompagner la soirée et le tour est joué.
En attente de vos commentaires, avec le vin que vous avez testé et sa mesure de la P.A.I…..
Merci Patrick !
La P.A.I. (Persistance Aromatique Intense)
J’ai proposé à Pascale de publier à un rythme aléatoire, soit environ 4 fois par an, des éléments pratiques pour votre relation avec le vin. Il ne s’agit pas de cours de dégustation proprement dits, qui sont plus faciles à réaliser un verre à la main que par clavier interposé, mais de « trucs » de dégustation.
Je vais commencer par une notion barbare en apparence, mais fondamentale, la Persistance Aromatique Intense ou P.A.I. d’un vin.
Commençons par quelques généralités :
-La dégustation d’un vin va du très simple au un peu compliqué suivant ce qu’on veut en faire ;
-Reconnaître un vin sans en voir l’étiquette relève de la pure spéculation. Pour le reconnaître, il faut déjà l’avoir goûté et l’avoir mémorisé. Il n’y a que quelques très rares experts qui peuvent le faire, encore est-il aisé de se tromper.
Pour en avoir une idée, il vous suffit d’acheter 2 bouteilles du même vin, même millésime et même propriétaire. Vous ouvrez et passez en carafe une des bouteilles 5 heures avant de le déguster et vous conservez la carafe sur votre table de cuisine. Vous sortez l’autre bouteille de votre cave et vous l’ouvrez au dernier moment. La différence de température et l’oxygénation feront que vous aurez l’impression que ce sont deux vins différents, comment dès lors reconnaître les deux. Cette simple expérience ramènera à plus d’humilité celui qui prétendra reconnaître à tout coup un vin « à l’aveugle ».
-La connaissance de la dégustation permettra cependant à un groupe de dégustateurs de parler le même langage, d’échanger sur la bouteille qu’ils boivent autre chose que des lieux communs du type « il a de la cuisse » qui ne veulent rien dire, et d’éviter de proférer trop d’âneries.
-Toutes les sensations ressenties à la dégustation d’un vin sont subjectives. En revanche, vous pouvez affirmer sans rien connaître que vous aimez ou pas le vin que vous dégustez. Cette conclusion vous appartient. Evidemment, c’est mieux de savoir pourquoi tel vin vous plait ou pourquoi vous détestez tel autre, cela vous permettra au moins d’acheter des vins de caractéristiques similaires à celui que vous avez aimé et d’éviter ceux que vous n’agréez pas.
Venons en à la fameuse P.A.I.
Je vous ai dit que toutes les sensations étaient subjectives, ce n’est pas tout à fait vrai, une seule est objective, et c’est justement la P.A.I., qui de plus est physiologique, universelle et mathématique. Et on peut lui attacher directement une équation avec le prix du vin.
DEFINITION : La P.A.I. d’un vin est le temps durant lequel l’impression aromatique subsiste après avoir ingéré ou craché le vin à un niveau très proche de celui ressenti pendant que le vin est en bouche.
Pour simplifier les choses, on va considérer que vous avalez le vin.
Dans la pratique, donc, lorsque vous avez avalé la gorgée de vin, vous ressentez une intensité aromatique quasiment égale à celle que vous ressentiez quand vous l’aviez en bouche. Cette intensité va très notablement décroître au premier retour de salive liquide. Ne me demandez pas d’expliquer ceci, essayez, vous comprendrez (ça marche aussi avec des aliments, du café, bref tout ce que vous ingérez).
La P.A.I. est donc ce temps entre l’ingestion et le premier retour de salive liquide.Or il se trouve que tous les êtres humains mâchent à la même vitesse s’ils ne pensent pas à cette action de mastiquer. Cette unité de « mâche » est très légèrement inférieure à une seconde et s’appelle la Caudalie. La mesure de la P.A.I. s’exprimera donc en caudalies.
Reprenons : vous venez d’avaler votre gorgée, et vous commencez à mastiquer en ouvrant légèrement la bouche pour laisser entrer un peu d’air. Vous comptez vos mastications et vous vous arrêtez au fameux retour de salive liquide. Ca y est, vous savez quantifier la P.A.I. !
Ajoutons que la P.A.I. est invariable avec l’évolution du vin, de sa mise en bouteille à sa belle mort quelques années plus tard. Ajoutons encore que la P.A.I. est directement liée au travail du vigneron, au terroir et au rendement, et vous comprendrez que c’est un critère objectif de qualité du vin.
La variable principale est le cépage, ainsi un gamay (Beaujolais, Touraine, etc) sera toujours moins persistant qu’un Cabernet Sauvignon (Bordeaux) ou un Mourvèdre (Bandol). Encore qu’un très bon gamay pourra égaler un mauvais mourvèdre.
Ajoutons enfin qu’il ne faut pas confondre Persistance (mesurable) avec Longueur en bouche (impression subjective variable par exemple avec l’acidité).
Pourquoi vous ai-je parlé de cette notion en premier ? Parce qu’elle est la seule à être objective, mais aussi parce que, grosso modo, une caudalie vaut 2 € en 2004. Cette notion est à relativiser avec le succès de certaines appellations, avec la spéculation des grands crus bordelais, mais ce sont encore des éléments sans fondement objectif.
Mon conseil pratique est donc le suivant : lorsque vous avez repéré un vin qui vous plait (au hasard Chablis pour Pascale), dans cette appellation, essayez de trouver ceux qui présentent un rapport prix sur P.A.I. inférieur à 2 et vous aurez fait une bonne affaire. Plus prosaïquement, si la P.A.I. de votre Chablis est de 7, d’abord c’est sans doute un premier cru, et ensuite, jusqu’à 14 € vous réalisez une bonne opération, au delà, c’est sans doute trop cher.
Cela dit, le vin, même dans sa composition, comme nous venons de le voir, c’est 99 % de subjectivité, il n’est donc pas question de faire de vous des robots de l’achat raisonné, et le compulsif est parfois jouissif. Néanmoins, je voulais vous donner ce petit « truc ».
Patrick