Parc à huitres Marennes Oléron, réserve naturelle de Moeze
Tout savoir sur les huitres Marennes Oléron : épisode 1 : de l’œuf à l’assiette
Mon histoire d’amour avec les huitres a commencé très tard. J’avais déjà 40 ans lorsque j’ai goûté à ma première huitre, dans un petit café restaurant de la baie d’Arcachon, grâce à la gentillesse d’un serveur qui avait décidé que c’était dommage de venir dans la région sans goûter aux huitres.
Depuis ce jour, j’ai continué à en manger, plutôt au restaurant, en remarquant très vite que les huitres étaient très différentes les unes des autres, en terme de visuel, de texture et de goût mais sans vraiment savoir pourquoi et je n’avais absolument pas la moindre idée de ce qui se passe avant qu’elles arrivent sur notre table.
L’hiver dernier, j’ai commencé à découvrir quelques bribes et surtout à tomber sous le charme des huitres Marennes Oléron, grâce à une dégustation à Paris orchestrée par des ostréiculteurs d’Oléron. J’ai découvert à cette occasion une huitre plus charnue que d’autres variétés, plus goûteuse et un brin moins salée.
Lorsque j’ai eu la possibilité de participer à un voyage, avec Anne, Joelle, Damien, Dorian, Mamina et Cathy, il y a quelques jours à Oléron, pour en savoir encore plus sur ces huitres, j’étais ravie.
Jeudi, midi tapante, sous un beau soleil, petit miracle de la dernière journée de septembre, après une traversée de la Rochelle jusqu’à l’ile d’Oléron (j’ai découvert à cette occasion que c’est là que ce trouve Fort Boyard), nous avons été accueillis par une équipe charmante composée de membres du lycée de la mer qui forme des jeunes aux métiers de la mer, comme par exemple au métier d’ostréiculteur (personne qui élève les huitres) et d’ostréiculteurs.
En bateau, nous nous sommes dirigés tranquillement vers les parcs à huitres, tout en dégustant des huitres. Goûter à un aliment que l’on aime dans son environnement, tout en discutant avec les hommes qui s’en occupent avec passion et abnégation, il n’y a rien de mieux.
Durant tout le voyage, nous comprenons enfin tout ce qui se passe avant que les huitres Marennes Oléron arrivent dans nos assiettes. Je précise « Marennes Oléron », sachant que les méthodes utilisées en Normandie, en Bretagne, en Corse, etc. sont différentes.
L’huitre Marennes Oléron est un produit saisonnier : reproduction des huitres
Tout commence par la reproduction des huitres qui n’a lieu qu’une fois par an. C’est la fécondation des ovules par les spermatozoïdes, tous deux libérés par les huitres, qui donnent des larves. Ceci ne peut se faire que dans un milieu assez particulier, avec une eau suffisamment chaude et un ratio entre eau salée et eau douce particulier. Il se trouve que ce sont les conditions que l’on trouve à Oléron mais également sur le bassin d’Arcachon.
Le captage, le troquage, les parcs à huitres
Il s’agit ensuite de capter ces larves dans un délai de 15 jours, car si elles ne s’accrochent pas sur un support, grâce à une colle qu’elles développent naturellement, elles finissent tout simplement par mourir. C’est à ce moment qu’interviennent les ostréiculteurs en posant un support pour le captage. Ce captage, pour les huitres Marennes Oléron, s’est fait sur différents supports selon les époques, comme la pierre, l’ardoise, les tuiles, les pieux d’ardoise, les pieux en plastique, les barres de fer, etc., pour arriver aujourd’hui à des pleno, sorte de carré alvéolé en plastique (tout en haut sur la photo de gauche)qui peut contenir de 5 000 à 7 000 huitres ou à des cordées de coupelles (photo de droite) qui peuvent contenir 3 000 à 4000 huitres.
Chez Cyril Pattedoie, Ostréiculteur d’huitres Marennes Oléron, qui nous a accueillis dans son exploitation, ce sont les cordées de coupelles qui sont utilisées aujourd’hui car il est plus simple de décoller les huitres après le captage.
Une fois que les larves sont accrochées au support, on les laisse se développer pendant environ 10 mois, pendant lesquels elles vont se nourrir naturellement avec les nutriments contenus dans l’eau. Il s’agit ensuite de les décoller (troquage) puis de les calibrer. Elles sont alors mises dans des poches en plastique (voir photo à droite) qui, selon le calibre de l’huitre, possède un maillage plus ou moins fin. Ces poches sont mises dans les parcs à huitre, sur des tables.
Quand vous êtes en mer et que vous voyez des piques en bois dépasser de l’eau, c’est que vous être en bordure d’un parc à huitres. Ce sont eux qui les délimitent. Nous avons eu le loisir de nous balader au cœur d’un parc à huitres, quoi que le terme balade n’est pas très approprié, c’est du sport de se promener dans la vase et il vaut mieux avoir de vraies cuissardes. J’ai trouvé ce moment magique avec une lumière très belle ce jour là. J’avais parfois l’impression que la mer et le ciel ne faisait qu’un.
Une fois les poches posées dans les parcs à huitres, il faut les retourner régulièrement, voire les changer de poches, afin que les huitres se développent de manière harmonieuse et cela pendant 2 ans. Si ce travail n’est pas fait régulièrement, les coquilles d’huitres deviennent biscornues ou trop longues, avec éventuellement des moules ou des huitres plus jeunes qui viennent s’accrocher sur elles. C’est un sacré boulot qu’il faut faire quelque soit le temps, à marée descendante, en utilisant des bateaux à fond plat, histoire de ne pas rester bloqué dans la vase.
Parc à huitres, réserve naturelle de la Moeze
Affinage des Marennes Oléron dans les claires
Ensuite, les huitres sont ramenées chez l’ostréiculteur-affineur qui va les trier pour les mettre dans des claires, dans lesquels elles sont affinées pendant au moins 4 semaines ou plus selon les différents type de Marennes (RDV dans l’épisode 2, « Marennes Oléron coté dégustation »). C’est cet affinage qui fait la spécificité des huitres Marennes Oléron.
Claires vues du ciel grâce à un super tour en Hélico, les petits carrés à gauche sont les poches d'huitres déposées dans les claires pour affinage.
Les claires sont des bassins naturels (eau de mer bien entendu, les huitres ne resteraient pas en vie dans de l’eau douce) qui sont le plus souvent des anciens marais salants, transformés en claires dans les années 50. L’eau des claires est plus ou moins salée, selon le degré de pluviosité et l’eau se renouvelle naturellement grâce aux marées. Ce renouvellement de l’eau est également géré par l’ostréiculteur, grâce à une sorte d’écluse (varagne) qui se manie manuellement.
Une fois l’affinage terminé, les huitres sont mises dans des bassins de dégorgement afin de les débarrasser d’éventuels résidus de vase à l’intérieur. Les huitres, tout au long de leur vie respirent et de la vase, présente dans les claires peut alors entrer dans la coquille, d’où la nécessité du dégorgement, un peu sur le même principe que les coques que l’on fait dégorger pour les débarrasser du sel.
Et voilà, il ne reste plus qu’à les mettre en bourriche et il aura fallu 3 ans entre la reproduction des huitres et l’huitre que vous allez pouvoir déguster. Avec respect de mon coté, en pensant à tout le travail fourni.
J’avoue être fascinée par le travail des ostréiculteurs. J’espère que c’est un métier qui va perdurer et que le lycée de la mer trouvera de jeunes recrues pour prendre la relève, c’est un produit magique.
Demain, épisode 2 : Marennes Oléron coté dégustation