Comment faire cuire les joues de bœuf et pourquoi c’est important de les faire cuire longtemps et doucement ?
Demain soir, j’aurai le plaisir de participer à un atelier autour des produits tripiers. Avec mon équipe de choc, nous allons imaginer un burger à base de joues de bœuf, ainsi qu’un plat à base de foie de veau ou d’agneau. Je ne peux pas vous en dire plus car nous ne savons pas encore ce que nous allons cuisiner.
En revanche, cet atelier m’a donné envie de me replonger dans cette histoire de cuisson de la joue de bœuf.
La joue de bœuf fait partie des produits tripiers et j’ai l’impression d’en voir de plus souvent au menu des restaurants et sur les blogs culinaires. J’ai moi-même succombé dans ma cuisine car, bien cuite, la joue de bœuf, morceau de viande ferme devient particulièrement tendre et c’est un morceau économique.
Mais, pour arriver à ce résultat, il est bon de rappeler deux trois choses, histoire de ne pas cuisiner idiot (voir note).
La viande est composée en majorité de fibres musculaires qui se regroupent en faisceaux selon une structure propre à chaque morceau et sa fonction dans l’anatomie de l’animal.
Pour faire tenir tout ce petit monde ensemble, il y a des sortes de câbles qui forment un maillage et que l’on appelle les fibres de collagène.
Tous les morceaux de viande, qu’ils soient tendres (en provenance des muscles les plus faibles de l’animal) ou fermes (en provenance des muscles les plus importants et/ou les plus utilisés de l’animal) contiennent du collagène.
La tendreté de la viande est liée à l’anatomie de l’animal mais aussi au collagène, sachant que les muscles qui font peu d’efforts ont un collagène peu résistant, à l’inverse des morceaux issus des muscles qui font beaucoup d’efforts.
En pratique c’est même un peu plus compliqué car cela dépend aussi de l’âge de l’animal, de la manière dont il a été élevé puis abattu, données auxquelles nous avons rarement accès en tant que consommateurs.
Quelques exemples de viandes fermes : épaule d’agneau, joue de bœuf, jarret de veau (cuisse), etc. et de viandes tendres : onglet de bœuf, carré d’agneau, gigot d’agneau, filet mignon de porc, etc.
Quand on cuisine un morceau de viande tendre, nul besoin de se préoccuper de tout ce que je vais raconter plus loin car le collagène peu résistant va se détruire facilement lors de la cuisson et la viande va se mâcher facilement (bon, il y a tout de même des choses à savoir mais on en parlera plus tard).
En revanche, dès que l’on cuisine avec des morceaux de viandes fermes, il ne faut pas oublier que le collagène est plus présent et surtout plus résistant et se désagrège nettement moins facilement à la cuisson.
Heureusement, quand le collagène s’est bien dissous lors de la cuisson (il se transforme en gélatine au bout d’un certain temps), la viande devient tendre et on dit même que la viande se défait.
Comment ça marche ?
Lors de la cuisson, le collagène qui est autour des fibres et des faisceaux musculaires va d’abords se contracter et la viande va devenir encore plus ferme. C’est quand la température de la viande atteint 65°C-85°C qu’elle est la plus ferme. Puis, le collagène va finir par se transformer en gélatine et la viande va s’attendrir. Malheureusement, si la température de cuisson est trop élevée, la viande devient certes tendre mais elle devient également sèche, difficile à mâcher et pas toujours très appétissante (elle prend une couleur grisâtre).
C’est pourquoi, il ne faut pas trop monter en température et privilégier plutôt le temps de cuisson par rapport à la température de cuisson.
A basse température, il faut plus de temps au collagène pour se détendre et se dissoudre mais on ne rend pas la viande sèche.
Selon le Modernist Cuisine (voir note), l’idéal est la cuisson sous vide ou la cuisson sou pression (auto cuiseur, soit notre bonne vieille cocotte-minute). Pour la cuisson sous vide, nous sommes très peu nombreux à avoir un appareil de mise sous vide et encore moins nombreux à posséder un bac de cuisson qui permet d’avoir une température constante et choisie. A la maison, même si vous avez un appareil de mise sous vide, ce qui est mon cas, il faut faire cuire les sacs dans une cocotte remplie d’eau et surveiller la température de l’eau avec une thermo sonde. Ok pour faire cuire du foie gras, comme dans cette recette mais impossible pour cuire des morceaux de viandes fermes car les temps de cuisson sont beaucoup trop longs.
En revanche, la cocotte-minute est une suggestion que j’aime beaucoup (pour la joue de bœuf, le temps de cuisson préconisée est d’une heure, contre 4 à 5 heures dans ma recette avec cuisson au four.
L’autre possibilité, celle qui est préconisée par bon nombre de recettes est de saisir la viande puis de la faire cuire à base température dans une cocotte fermée que l’on met au four, comme dans cette recette. Je dois avouer que du coup, je ne sais plus très bien si c’est l’idéal et j’ai hâte de tester des cuissons de viandes fermes à la cocotte-minute.
Pour compléter ce billet, il faudrait également que je parle de l’opération « saisir les morceaux de viande » avec la réaction de Maillard, ainsi que d’autres choses, comme les marinades qui permettent d’attendrir la viande, même si l’effet n’est finalement pas si miraculeux.
Sur ces considérations très sérieuses, RDV après l’atelier de demain pour voir ce que nous allons faire avec nos joues de bœuf (je rassure mon équipe, elles seront déjà cuites mais je ne sais pas encore comment).
Note
Depuis deux ans, précisément depuis le jour où j’ai voulu tout comprendre sur la pomme de terre et l’amidon, j’éprouve de plus en plus le besoin de comprendre les choses en cuisine. C’est devenu un vrai dada et je passe du temps à lire des choses sur le sujet. C’est passionnant mais ce n’est pas toujours facile car plus on cherche à rentrer dans le détail plus c’est compliqué. Pour rédiger ce billet, je me suis plongée dans le livre qui a fait beaucoup de bruit lors de sa sortie en Français et qui s’appelle Le Modernist Cuisine. Je l’ai depuis 2 semaines et à chaque fois que je mets le nez dedans, j’ai l’impression de retourner à l’école et je peux vous dire qu’il faut vraiment être passionné de cuisine pour s’y plonger. En revanche, c’est un vrai bonheur que de trouver enfin toutes les réponses aux questions que l’on se pose depuis des années et surtout à toutes les questions que l’on n’avait même pas imaginées dans sa petite tête.