Baguette tradition : regarder, toucher, écouter, sentir et goûter Tout savoir pour la choisir et la déguster (épisode 2)
On pourrait imaginer que rien ne ressemble plus à une baguette tradition qu’une autre baguette tradition. Après tout, comme je l’expliquais dans l’épisode 1, il ne s’agit que de farine, d’eau, de levure et/ou de levain et de sel. Dans la réalité, c’est bien entendu beaucoup plus que cela et derrière chaque baguette de tradition française se cache un artisan boulanger avec son savoir-faire et sa sensibilité.
L’année dernière, un boulanger MOF durant une interview m’a dit à juste titre « le pain doit ressembler au boulanger ».
Si nous consommateurs, sommes capables de faire un sacré bout de chemin pour trouver celle qui sera à notre goût, nous ne savons pas forcement décrire avec des critères précis pourquoi nous préférons la baguette de tel artisan boulanger par rapport à une autre.
C’est pour cette raison que j’ai beaucoup apprécié la séance de dégustation de baguettes tradition Rétrodor (voir note) animée par Steven Kaplan il y a quelques semaines.
Steven Kaplan est américain et il est passionné par le pain et son histoire. C’est d’ailleurs le plus grand historien du pain. Il enseigne à l’université Cornell (état de New York) mais aussi à Science Po à Paris. Il a écrit plusieurs livres sur le pain, dont un qui s’appelle « Cherchez le pain » dans lequel il dresse le portrait des meilleurs boulangers de Paris.
Il a développé pour Rétrodor une grille de dégustation des baguettes de tradition Rétrodor qui permet d’évaluer plusieurs critères.
J’ai appris beaucoup de choses notamment sur les liens entre l’aspect du pain et le travail des artisans. A mon sens, la majorité des critères peuvent s’appliquer à toutes les baguettes de tradition française. Une fois connus, ils nous permettent de prendre le temps de déguster une baguette tradition et de mieux les comparer afin de pouvoir les choisir ensuite en toute connaissance de cause.
Regarder, toucher, écouter, sentir et goûter
Le pain sollicite tous nos sens, à condition de prendre son temps. Comme le dit si bien Steven Kaplan, on le mange avec les doigts, il relève donc presque de l’intime. On le regarde, on le sent, on l’écoute et on le touche avant de le goûter.
Regarder le pain
L’aspect du pain n’est pas forcément un critère d’évaluation car une baguette « moche peut être bonne et inversement.
Néanmoins, il y a des signes qui ne trompent pas et qu’il est bon de connaitre.
La croûte
Une bonne baguette tradition doit avoir une croûte suffisamment caramélisée, signe d’une cuisson suffisante. Pitié, ne demandez pas à votre boulanger préféré une baguette pas trop cuite. Il faut en effet que la cuisson soit suffisante pour actionner la fameuse réaction de Maillard qui donne une caramélisation qui permet de bien développer les arômes.
Comme nous le dit Steven Kaplan à ce sujet « il faut éduquer le public ».
Autre critère à prendre en compte quand on regarde la croûte, ce sont les coups de lame, signature de l’artisan boulanger. Ils sont importants pour que le gaz carbonique s’échappe bien du pâton durant la cuisson. Les arrêtes doivent être franches une fois le pain cuit.
S’il n’y a pas les bons coups de lame, votre baguette risque d’être plate.
Regardez aussi le coté du pain. S’il est tout pâle, c’est que les baguettes étaient trop proches les unes des autres dans le four et elles se sont collées entre elles durant la cuisson.
N’hésitez pas non plus à regarder le dos de la baguette qui doit être bien grillé, sachant que les pâtons sont posés directement sur une sole très chaude.
La mie
Pour l’observer sans l’abimer, l’idéal est de fendre la baguette sur toute sa longueur. La mie doit être ambrée et non pas blanche. Si le pain est pétrit trop longtemps, la carotène est détruite et cela rend la mie toute blanche.
La mie doit être alvéolée et ses cavités doivent être de tailles inégales. C’est la mémoire de la fermentation qui pour une baguette tradition doit être longue et bien menée. C’est ce que l’on appelle le pointage qui dure entre 2 et 3 heures.
Ecouter le pain
« Saviez-vous que le pain chuchote quand il refroidit » nous confie Steven Kaplan. C’est tout simplement la croûte qui craque quand elle refroidit.
Pas forcément facile à écouter à la maison quand la baguette achetée est déjà froide.
En revanche, je vous invite à palper le pain qui doit faire un bruit, signe ou non de sa croustillante.
Le pain doit aussi émettre comme un bruit de tambour quand on le tape sur l’envers.
Toucher le pain
Quand j’achète une baguette tradition, je ne me lasse pas du bruit qu’elle fait quand on la presse, signe de cette fameuse croustillante dont je vous parlais plus haut.
Vous pouvez aussi toucher la mie, et sentir si elle a du ressort ou non, signe d’un bon pointage. La mie doit être moelleuse.
Sentir le pain
C’est important de le faire car 75 % de ce qui qui est gustatif relève du nez. Cela commence par la baguette quand on l’achète puis ce qui se dégage quand on coupe le pain. Avec un peu d’expérience on doit pouvoir déterminer si les arômes sont complexes ou non et quels sont les arômes. Comme pour le vin en fait.
Les arômes peuvent être : beurre, noisette, amande grillée, abricot, etc. Pas facile à déterminer, je vous l’accorde mais en prenant son temps, on peut devenir plus réceptif à tout cela.
Goûter le pain
On commence par goûter à la croute en déterminant quels sont ses arômes (pas facile au départ).
Puis on mange un morceau afin de déterminer la « mâche » du pain. Elle ne doit pas être laborieuse et il doit y avoir un bon mariage entre la croûte et la mie. Ça doit croustiller au départ puis devenir fondant, sans être collant. Essayez la prochaine fois que vous goûterez à votre baguette, c’est très intéressant.
Le reste est ensuite une question de plaisir.
J’espère que vous penserez à tout cela la prochaine fois que vous dégusterez une baguette tradition faite avec amour par un artisan boulanger.
Note sur la Rétrodor : il s’agit de la première baguette de tradition française, créée en 1990 avant le décret Pain, suite à un travail d’équipe entre un boulanger qui voulait une farine sans additifs pour fabriquer une baguette comme le faisait son père et son grand père et Philippe Viron des minoteries Viron. Vous pouvez la trouver aujourd’hui chez les boulangers Rétrodor, elle pèse 300 g et répond aux critères du décret Pain (voir épisode 1)
Crédits photos : Rétrodor.