Si je vous dis “Joël Robuchon”, quelle est la première chose à laquelle vous pensez ? Je parie que vous allez me répondre : “sa purée”. C’est drôle qu’un mets aussi simple ait pu ainsi faire le tour du monde et participer à la renommée de Joël Robuchon. Il l’a mise au point à l’ouverture de son restaurant étoilé Jamin, dans les années 80, à Paris. Elle a de suite étonné les clients en raison de son extrême onctuosité et n’a pas pris une ride. Elle est toujours servie à l’atelier Joël Robuchon Étoile, grâce à Eric Bouchenoire, MOF et chef exécutif. Il a été le fidèle bras droit de Joël Robuchon pendant plus de 30 ans.
Je me suis glissée en cuisine à l’atelier où Eric Bouchenoire a très gentiment accepté de partager avec moi les secrets de réussite de cette purée mythique. Il me raconte que certains clients la réclament quand ils ont choisi un plat qui n’est pas accompagné par de la purée, comme des pâtes par exemple.
Direction la cuisine
Ce que je retiens de ce passage en cuisine est que cette purée est tout à fait réalisable à la maison, à condition de suivre quelques règles bien précises. Bonne nouvelle, Eric Bouchenoire n’est jamais avare de conseils et d’astuces. Comme il le dit si bien : rien de compliqué mais chaque détail a son importance.
Le choix des pommes de terre
Avant de mettre sa purée à la carte, Joël Robuchon a testé plusieurs variétés de pommes de terre. Il a jeté son dévolu sur la ratte, une pomme de terre de forme allongée et un peu biscornue, produite dans le Nord de la France.
C’est son petit goût de châtaigne qui a fait la différence. J’étais persuadée qu’une bonne purée se fait uniquement avec une pomme de terre à chair farineuse comme la fameuse Bintje. Il se trouve que l’on peut faire une très bonne purée avec la ratte qui est pourtant une pomme de terre à chair ferme. C’est la manière de la travailler qui fait toute la différence. En revanche, il n’est pas conseillé d’utiliser des pommes de terre primeur, trop riches en eau et pauvres en amidon.
Si vous n’avez pas de ratte, vous pouvez utiliser des pommes de terre BF15. Le plus important est de choisir des pommes de terre assez petites (80 g environ) et surtout de même calibre, pour une cuisson uniforme.
La cuisson des pommes de terre
Il est important de ne pas les peler pour que la peau fasse office de protection et qu’elles ne deviennent pas aqueuses.
On lave les pommes de terre, on les met dans une grande casserole et on les recouvre bien d’eau froide que l’on porte ensuite à ébullition.
On sale l’eau au gros sel (10 g de sel au litre) puis on baisse le feu. Les pommes de terre doivent cuire à frémissement, histoire que l’eau ne s'évapore pas trop rapidement et que les pommes de terre soient bien immergées dans l’eau, tout au long de la cuisson.
La cuisson prend 30 à 35 minutes. Un couteau doit pouvoir s’enfoncer sans problème dans les pommes de terre. Si vous soulevez le couteau, la pomme de terre doit tomber.
On se dépêche de peler les pommes de terre à chaud
Il est important de travailler les pommes de terre quand elles sont bien chaudes, d'où l'importance de les peler rapidement. On ne veut pas que l’amidon de la pomme de terre refroidisse, ce qui ferait corder la pomme de terre quand on l’écrase. Cela la rendrait élastique et collante. L’idéal est donc de s’y mettre à plusieurs.
L’astuce de Eric Bouchenoire : mettre les pommes de terre au fur et à mesure dans un saladier recouvert de film étirable dans lequel on a juste fait une fente pour passer les pommes de terre. Cela permet de les garder bien au chaud, sans qu’elles ne se dessèchent.
A l’atelier Joël Robuchon, cette opération est prise très au sérieux et c’est l’une des dernières choses qui est faite avant chaque début du service. Plusieurs personnes pèlent les pommes de terre à chaud chaque jour, ce qui représente tout de même entre 15 à 20 kg de pommes de terre.
On écrase les pommes de terre mécaniquement et on dessèche la pulpe
La pomme de terre a beau être un aliment simple, elle demande du soin. Pour éviter une purée élastique et collante, on écrase les pommes de terre au moulin à légumes, directement au-dessus d’une casserole.
On va ensuite dessécher la pulpe, comme on le ferait pour une pâte à choux. Cette opération joue sur la texture finale en la rendant plus onctueuse. Mélangez vigoureusement la pulpe de pomme de terre sur feu doux, à la spatule. Quand la masse se détache de la casserole et qu’elle est bien lisse, c’est terminé.
J’ai goûté la pomme de terre à la fin de cette étape. Elle a juste le goût de la pomme de terre mais on ne peut pas dire que cela soit bon, un peu comme une pâte sans sauce.
On ajoute du beurre froid
Le fait d’ajouter du beurre froid est une question de goût me confirme Eric Bouchenoire. Un beurre fondu n’a pas le même goût qu’un beurre noisette ou qu’un beurre frais. Ce qui veut dire que meilleur est le beurre, meilleure sera la purée.
Au préalable, coupez votre beurre en dés réguliers puis réservez-le au frais. Ajoutez-le au fur et à mesure et travaillez vigoureusement la purée pour bien incorporer le beurre. J’ai goûté la purée à différentes étapes d’incorporation du beurre et j’ai vraiment compris son rôle. C’est avec le beurre que la pulpe de pomme de terre devient une purée, son goût et sa texture changent. C’est assez magique.
Cela veut dire aussi que vous pouvez arrêter de mettre du beurre quand elle est à votre goût, qu’elle est lisse et soyeuse. C’est moi qui le dit car Eric Bouchenoire nous dit plutôt que, plus il y a de beurre, meilleure sera la purée.
Le lait sert à finaliser la consistance de la purée
Une fois la purée à votre goût, vous allez ajouter du lait tiède pour avoir la consistance souhaitée. Le travail se fait cette fois au fouet, pour apporter de la légèreté. C’est aussi le moment de saler la purée. Quand la purée retombe du fouet en ruban, c’est terminé.
Le passage au tamis n’est pas une obligation
Depuis la création de cette fameuse purée de pommes de terre, elle est passée au tamis. Il s’agit d’un très grand tamis que Joël Robuchon avait rapporté du Japon. J’ai goûté les 2 versions (tamisée et non tamisée). Oui, on sent une différence de texture mais je ne suis pas certaine que j’aurais deviné la différence à l’aveugle car elle est très subtile.
Un détail qui a son importance : pas de poivre noir dans la purée, on risquerait de le confondre avec de la terre.
Verdict : C’est une vraie gourmandise. Elle est super lisse et onctueuse, sans être collante ni élastique. On sent d'abord le bon goût du beurre frais, puis le goût de la pomme de terre. L’équilibre entre les deux est parfait.
Les ingrédients et les quantités pour refaire la purée de Joël Robuchon à la maison
La marche à suivre est décrite plus haut dans l’article. Pour 6 personnes, il vous faudra 1 kg de pommes de terre de variété ratte ou BF15, 200 à 250 g de beurre doux froid préalablement coupé en dés de taille régulière, 20 à 30 cl de lait (ou moins, selon la texture que vous préférez), gros sel pour la cuisson des pommes de terre et du sel pour assaisonner.
Merci mille fois, Eric Bouchenoire pour ce partage. Comme il le dit si bien : rien de compliqué mais chaque détail a son importance.
L’Atelier Joël Robuchon Étoile, au sous-sol du Drugstore Publicis, 133 avenue des Champs-Élysées, Paris 8.